4 - HISTORIQUE DE L'EGLISE DE MONTRY ET DE LA CHAPELLE SAINT SEBASTIEN
I - LA CONSTRUCTION
Au XIe Siècle les terres du hameau de Montry appartenaient à l'abbaye de Saint Maur des Fossés par privilège venant des religieux de Saint Germain des Prés. Montry dépendait de la paroisse de Saint Germain Sous Couilly.
En 1130, Thibault, abbé de Saint Maur des Fossés, demanda à Hugues, abbé de Saint Germain des Prés, la permission de construire une église à Montry.
Une Charte fut établie en 1134. Elle spécifiait que le terrain de l'église et le presbytère devraient rester à perpétuité du domaine de l'Abbaye de Saint Germain des Prés, et que Thibault devrait fournir trois muids (1) de blé et trois muids de vin par an, au nouveau curé.
L'Eglise Notre Dame de l'Assomption fut finalement construite en 1185 par Simon, Evêque de Meaux.
Foulque, Abbé de Saint Germain prit en charge la cure, avec l'aide des curés des paroisses de Saint Germain sous Couilly et Montry sur le territoire duquel se trouvait également un fief ainsi que des vignobles dépendant du Couvent des Minimes du bois de Vincennes.
La chapelle sépulcrale Saint Sébastien, de style roman était adossée à l'église de Montry. Elle mesurait environ 7,50 mètres sur 5 mètres ; sa voûte était soutenue par 4 colonnes de style roman surmontée de chapiteaux représentant des visages humains.
Elle renfermait plus de quarante sépultures d'une famille très illustre, celle de Jean de Reilhac (1430-1505), Secrétaire, Maître des comptes, Général des Finances et Ambassadeur des Rois Charles VII, Louis XI et Charles VIII (voir historique du château de Montry).
Depuis dix générations, leurs dépouilles y étaient déposées en vertu d'une très ancienne concession faite par les abbés de Saint Germain des Prés, fondateurs et curés primitifs de la paroisse de Montry, concession renouvelée tous les deux cents ans depuis 1466.
Le deuxième renouvellement eut lieu le 17 Février 1666 au profit de Gabriel de Reilhac ; sur l'acte on pouvait lire " depuis deux cents ans, lui et ses ancêtres estoient en possession d'avoir place et sépulture dans ladite chapelle (Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris, année 1886 - Notice sur la Chapelle Notre Dame de Reilhac.
Parmi les tombeaux qui se trouvaient dans la chapelle, on pouvait citer particulièrement celui de Claude II de Reilhac, né en décembre 1553 et mort en 1595, après avoir fait les guerres de la Ligue sous les ordres du Prince de Comti.
- L'un des fils de Joseph, Jean-Baptiste Gabriel, blessé à la bataille de Parme et estropié à Fontenoy, est décédé en 1777.
- Un autre fils, Claude-Augustin, officier au Régiment du Dauphin en 1714 a également été inhumé en 1789.
- Ses huit enfants ont été inhumés à Montry, parmi eux : François-Claude en 1787, Madeleine morte en 1807, Claude-Françoise en 1812 et Augustin-Philippe en 1810. Ce dernier était Commandant du Régiment du Dauphin à la Guerre de sept ans et Député pour la noblesse du Bailliage de Meaux, aux Etats Généraux de 1789.
- Deux de ses enfants ont été inhumés dans la chapelle : Alphonse-Emmanuel-Gabriel, tué à 17 ans d'une chute de cheval à Montry le 22 Mai 1813 et Anatole-Joseph-Philippe, Officier aux Dragons de la Gironde puis au gardes du corps du Roi Louis XVIII, mort en 1875. Il fut le dernier à être inhumé dans la chapelle Saint Sébastien.
- De nombreux enfants de la famille de Reilhac dont on ne connait pas les prénoms reposaient également dans la chapelle Saint Sébastien.
II - L'AFFAIRE...
De Juillet à Décembre 1841 : premières réparations d'urgence de la toiture de l'église
Mars 1896 : Le curé de l'époque demande la restauration de l'église.
Novembre 1896 : Le conseil municipal, après avoir examiné le rapport de l'architecte diocésain sur l'état alarmant de l'église, décide sa fermeture totale, faute de ressource.
Janvier 1897 : Fermeture définitive de l'église.
Mai 1897 : le conseil municipal vote une imposition extraordinaire et demande une aide à l'état en vue d'une reconstruction ; le devis est de l'ordre de 30.550 francs.
Novembre 1897 : Le Comte Albert de Reilhac s'engage à prêter 20.000 francs à 1% remboursable sur 20 ans, soit 24.403,80 francs.
A cette époque, la messe est célébrée dans une salle du presbytère.
Décembre 1898 : le Conseil municipal vote la démolition d'urgence de l'église vu son état extrêmement alarmant.
Octobre 1899 : Souscription pour démolition et reconstruction de l'église - le Comte de Reihac y participe pour 24.000 francs.
Mai 1902 : La démolition n'a pas encore eu lieu. Monsieur de Reilhac propose, à sa charge, la réparation provisoire par étayage de l'église.
Juin 1902 : Le conseil municipal, au vu d'un nouveau rapport d'architecte qui conclut à la démolition de l'église, refuse la proposition de Monsieur de Reilhac.
Septembre 1902 : Monsieur de Reilhac propose 20.000 francs, au lieu des 24.000 proposés auparavant, pour la reconstruction de l'église sur le même emplacement, à condition qu'on préserve la Chapelle où reposent bon nombre de ses ancêtres - refus du conseil municipal.
Avril 1903 : le conseil municipal accepte la proposition de Monsieur de Reilhac sous condition du versement de la somme promise avant le 1er janvier 1905.
Juillet 1903 : Monsieur de Reilhac repousse le délai de versement de la somme au 16 Avril 1907, à condition de conserver la Chapelle.
Août 1903 : Le Conseil Municipal décide finalement de démolir l'église.
Septembre 1903 : L'adjudication des travaux de démolition se monte à 975 francs. La chapelle et le clocher sont préservés pour le moment.
Avril 1907 : Monsieur de Reilhac ne peut verser les 20.000 francs promis et demande un nouveau délai.
Le conseil municipal refuse et décide de démolir la chapelle qui ne menace pourtant pas la sécurité des habitants.
On suppose en plus que la concession de la famille avait été renouvelée vers 1866, pour deux cents ans...
Mai 1907 : Nouvelle proposition de Monsieur de Reilhac pour un versement de 10.000 francs en Juillet puis 10.000 francs un an après - il indique qu'il "n'est pas entièrement libre de ses actes" (fortes dettes à cause notamment des souscriptions relatives à la construction du canal de Suez)
Novembre 1907 : Une note de l'architecte diocésain, demandée en 1897 par Monsieur de Reilhac pour plans et devis, est réclamée à la commune qui refuse de payer.
Décembre 1907 : décrêt de désaffection de l'emplacement de l'église, du clocher et de la chapelle.
Février 1908 : le maire de Montry, Monsieur Septier, ordonne à Monsieur de Reilhac de prendre des mesures pour exhumer les cendres des ancêtres se trouvant dans la chapelle et les déposer dans le cimetière.
Monsieur de Reilhac demande que les "frais de translation" soient entièrement pris en charge par la commune, qui refuse.
Octobre 1908 : Monsieur de Reilhac invoque ses droits sur la chapelle pour essayer d'empêcher sa destruction. Il s'en suit un affrontement par avocats interposés - Maître de Vrainville pour la commune et Maître Pérard pour la famille de Reilhac. L'avocat du plaignant indique que son client lui a remis 20.000 francs pour reconstruire l'église à son ancien emplacement, et aussi pour bénéficier d'une concession perpétuelle dans la chapelle en vertu du respect de la convention de 1466 passée entre ses ancêtres et les abbayes de Saint Germain des Prés et Saint Maur des Fossés, fondatrices et propriétaires de l'église (rappel).
Novembre 1908 : Le conseil municipal refuse les 20.000 francs et la propriété de la chapelle à Monsieur de Reilhac qui fait appel de cette décision devant le Tribunal de Meaux.
Décembre 1909 : Monsieur de Reilhac, débouté de sa demande, fait appel.
24 Février 1910 : Monsieur de Reilhac après avoir tenté comme ultime recours, de faire classer la chapelle Monument Historique n'obtient que le classement de deux dalles funéraires sculptées. Le conseil municipal "proteste vivement" contre ce classement qui a été fait à son insu...
Novembre 1911 : Monsieur de Reilhac, pour exposer sa situation, fait placarder des affiches sur les murs de Montry. Les trois quarts de la population signe une pétition en sa faveur. Celle-ci n'aura aucun impact sur le Conseil municipal...
Décembre 1911 : Monsieur de Reilhac propose à la commmune, par le biais de son avocat, de déplacer les tombes de ses ancêtres dans le cimetière et de construire avec les pierres de l'église, un monument dédié à sa famille (aux frais de la commune) et qui pourrait par la suite servir de lieu de pélerinage.
Mars 1912 : rejet de l'appel du jugement fait par Monsieur de Reilhac en décembre 1909.
Mai 1912 : Un nouveau conseil municipal animé d'intentions plus conciliantes est élu
Juin 1912 : Le Conseil Municipal accepte à l'unanimité le désistement pur et simple de Monsieur de Reilhac sur ses droits de propriété de la chapelle Saint Sébastien
15 Mars 1914 : Une convention approuvée à l'unanimité par le conseil municipal est conclue avec Monsieur de Reilhac.
La commune, reconnue propriétaire de la Chapelle, s'engage à ne pas déplacer ni modifier les sépultures, à les respecter et les conserver dans leur état.
Monsieur de Reilhac, quant à lui a la charge de les entretenir et les réparer à ses frais.
Il verse la somme de 20 000 francs à la commune pour reconstruire l'église à son ancien emplacement entre la chapelle Saint Sébastien et le clocher. Il est également autorisé à apposer à ses frais à l'intérieur de la chapelle une plaque commémorative de l'accord passé le 15 mars 1914 avec la municipalité et du don de 20 000 francs.
C'est aussi en 1914 qu'éclate la "Grande Guerre". Devant l'invasion allemande imminente certains montéricultois ont préféré fuir en abandonnant leurs biens, parmi eux une grande partie des conseillers municipaux...
le 7 Septembre 1914, un scrutin extraordinaire est organisé afin d'élire un conseil municipal de crise ; Monsieur de Reihac fera office de Maire à la quasi unanimité.
Celui-ci fait voter une série de mesures d'urgence : en ces temps de guerre, les récoltes et cheptels abandonnés sont requisitionnés afin de pourvoir aux besoins alimentaires de ceux qui sont restés et de constituer des stocks en prévision de problèmes d'approvisionnement.
L'accent est aussi mis sur la protection des biens afin d'éviter les pillages.
Des mesures d'hygiène draconiennes sont prises afin d'éviter les épidémies dues aux animaux morts laissés à l'abandon dans les fermes.
1918 - Fin de la Grande Guerre. Le conseil municipal est de retour, comptant dans ses rangs bon nombre d'éleveurs-cultivateurs qui s'estiment "lésés" par les ordres de requisition votés pendant la guerre.
La double honte d'avoir fuit en en abandonnant ses animaux à leur sort et que monsieur de Reihac soit, lui, resté et ai pris les bonnes décisions à sa place fait qu'Il change totalement d'attitude à son encontre...par vengeance, la Chapelle Saint Sébastien est démolie après la guerre.
On fait aussi peu de cas des restes des ancêtres de la famille des Comtes de Reilhac dont les ossements sont exhumés et déposés avec bien peu d'attention et sans aucun respect dans deux fosses communes au fond du cimetière.
On y placera aussi les deux pierres provenant d'un des sépulcres de la chapelle, sauvées du désastre grâce à leur classement par les Monuments Historiques : le gisant de Claude II 1553-1595 et son épitaphe, qui serviront de pierres tombales aux fosses communes.
1923 : Albert-Alphonse-Marie-Joseph de Reilhac meurt et est enterré, dans le cimetière de Montry.
De nombreuses années plus tard...
Seul le clocher reste en place, dernier témoin d'un passé mouvementé... Celui-ci est d'ailleurs devenu l'emblême de la ville de Montry.
Décembre 2002 : Sensibilisée à la suite des recherches effectuées sur l'histoire du château et de la famille de Reilhac, Madame Danièle Carrez, Maire de Montry, alerte les Monuments Historiques à propos de l'état de délabrement des deux pierres tombales oubliées de tous au fond du vieux cimetière de Montry.
Olivier Orlianges |
olivier.orlianges@orange.fr |
Remerciements:
Eric Defer
Jean-Philippe Laffore
Michel Pelletier (photographies marquée d'un "*")
(par ordre alphabétique)
NOTES :
LE MUID ET QUELQUES UNITES DE MESURE DE L'EPOQUE :
VOLUMES
Matières Liquides (eau,vin,huile,...) : Unité de Mesure : le Muid
soit 1 muid ~ 8 pieds cubes / 1 muid = 2 feuillettes = 228 pintes = 274 litres.
Matières Sèches (ex : sel, grain,...) : Unité de Mesure : le Setier
soit, 1 setier = 12 boisseaux = 152 litres
MASSES ("poids") soit 1 Livre = 489,50585 grammes soit 1 Marc = 244,7529 grammes soit 1 Once = 30,594 grammes soit 1 Gros = 3,824 grammes soit 1 Grain = 0.053 grammes |
LONGUEURS-DISTANCE Soit 1 Lieue Marine : 5556 mètres = 3 milles marins soit 1 Mille Marin ~ 1852 mètres Soit 1 Brasse : 1,624 mètres soit 1 Encâblure = 185,2 mètres = 1/10 Mille soit 1 Toise = 1,9490366 mètres = 6 pieds Soit 1 Pas = 0,624 mètres soit 1 Pied = 0,3248394 mètres = 12 pouces soit 1 Pouce = 2,706995 centimètres = 12 lignes soit 1 Ligne = 0,225583 centimètres soit 1 points = 0,188 millimètres |